Je suis allé dernièrement assister à une séance d’enregistrement dans un magnifique Studio d’enregistrement à ST Rémy de Provence, « LA FABRIQUE » et cette visite m’a donné l’envie d’écrire ce billet.

Ce fut pour moi comme un retour dans les années 60 à 90 , les plus belles décennies pour la Musique française et mondiale, où il y avait en France et à Paris en particulier des grands studios qui appartenaient soit aux Maisons de disques qui les mettaient à la disposition de leurs poulains, soit à des passionnés de musique, souvent Ingénieurs du son .

)Ainsi BARCLAY avait son studio sis Av Hoche ( à 200m de l’Arc de Triomphe …) devenu depuis Les Salons Hoche , PHILIPS s’était installé au 44 rue des Dames ( près de la place Clichy ) créé en 1958 et fermé en 1988 et les studios EMI PATHÉ MARCONI 62 rue de Sèvres à Boulogne-Billancourt qui furent détruits à la fin des années 1990 pour construire un groupe d’immeubles résidentiels et un super marché ( je précise que dans ce studio LES BEATLES & LES ROLLING STONES y ont enregistré de nombreuses chansons ) .

Il y avait également quelques studios appartenant à des privés fous de musique comme le studio MARCADET ( créé en 1979 par  Georges BLUMENFELD ) situé d’abord rue Duhesme dans le 18° Arr. de Paris qui a du migrer à la Plaine Saint Denis ou le studio DAVOUT ( créé en 1965 par Yves CHAMBERLAND ) spécialisé dans les musiques de films car sa superficie permettait d’y mettre un orchestre symphonique , qui fut détruit en 2017 ! Tout un symbole …

Comment ne pas parler du Studio GUILLAUME TELL créé en 1986 par Roland GUILLOTEL  à Suresnes et qui existe toujours… Il est le dernier des studios parisiens à grande superficie permettant d’accueillir 80 musiciens.

Je ne peux les citer tous, de peur de vous ennuyer cher lecteur, au risque de transformer ce billet nostalgique en un stupide annuaire des pages jaunes, mais je me dois de citer le Studio GANG, Bd de l’hôpital créé en 1974 par Claude PUTERFLAM ou le studio FERBER imaginé en 1973 par René AMELINE dans le 20° Arrondissement… 

A chaque studio est accolé une anecdote référence. Prenons le cas du Studio parisien CBE rue Championnet dans le XVIII° Arrondissement, où régnait en maitre depuis 1966 un ancien musicien devenu magicien du son de l’époque : Bernard ESTARDY. C’est à lui que Nino FERRER doit le triomphe de son plus grand tube « LE SUD ». L’histoire de cette chanson mériterait à elle seule un billet, aussi je vais essayer de vous la résumer en quelques lignes.

NINO avait écrit cette chanson en anglais « THE SOUTH », mais ne l’aimait pas et refusait de la voir sortir avec des paroles françaises qu’il avait pourtant écrites. Sa nouvelle maison de disques CBS ( car BARCLAY après plusieurs bides notoires n’avait pas cru bon de lui renouveler son contrat ), lui imposa d’enregistrer la version en français, ce qu’il accepta finalement, contraint et forcé. Il s’enferma donc avec Bernard ESTARDY mais aucune version proposée par le réalisateur ne semblant lui convenir, leurs rapports se dégradèrent, au point que BERNARD le vira du studio et termina seul la réalisation de la chanson et lui donnera cette  » couleur  » qui fit le succès que tout le monde connait. Plus d’un million d’exemplaires fut vendu, mais paradoxalement NINO vit très mal ce triomphe et garda une rancune tenace envers son ami et sa nouvelle maison de disques.

Sa fin de vie fut dramatique, car il estimait ne pas être reconnu pour son talent mais pour des chansons qu’il estimait mineures et rejetait comme « MIRZA » « LE TÉLÉFON » « LES CORNICHONS » «  LE SUD » … Il a vécu tout le reste de sa vie avec le complexe d’être célèbre par ses chansonnettes plutôt que pour le reste de ce qu’il estimait être « une Œuvre » …

Il mit fin à son calvaire dans un champ près de sa propriété d’un coup de fusil !

En Province, autre lieu devenu maudit, il y eut le mythique « CHATEAU D’HÉROUVILLE » situé près de Pontoise, où un studio fut créé par Michel MAGNE, célèbre compositeur de musiques de films de l’époque.

Il créa le « studio – résidence » en offrant aux chanteurs et à leurs musiciens, outre le studio d’enregistrement, la mise à disposition de chambres et d’une restauration sur place. Ce concept eut immédiatement un succès fou qui attira : ELTON JOHN – LES BEE GEES – PINK FLOYD – CAT STEVENS – DAVID BOWIE – EDDY MITCHELL et j’en passe …

Malheureusement l’homme d’affaires  MAGNE n’avait pas le talent du compositeur et sa mauvaise gestion l’amena à une faillite inéluctable. Malgré des tentatives de réhabilitation, il ne réussit pas à revenir et une femme de ménage le retrouva mort le 19 Décembre 1984 dans une chambre du Novotel de Cergy après une absorption démesurée donc létale de somnifères…

Mais revenons à des sujets plus gais et à ce Studio « LA FABRIQUE » à St Rémy de Provence, avec à sa tête depuis 2008, un fou délicieux et utopiste dans l’âme, moitié ingénieur du son de talent, moitié mécène, un certain Hervé LE GUIL qui a vendu en 2008 son studio GIMMICK basé à Yerres dans le 91 pour acheter cette merveilleuse bâtisse et en faire un lieu d’enregistrements – référence dans le domaine musical.

Je m’y suis retrouvé dans une ambiance très proche du Studio de Peter GABRIEL « REAL WORLD » à Bath ( petite ville du Comté de Somerset, fondée par les Romains, avec des  bains chauds naturels réputés ) avec une ambiance très familiale, très raffinée, dans un lieu chargé d’histoires, aux ondes très positives. Comme à Bath, à St Rémy, on enregistre dans différentes pièces, qui ont toutes une acoustique différente, que l’on se trouve dans le salon, la bibliothèque … tout cela donnant sur un grand parc joliment arboré et proposant aux occupants des chambres confortables ( le fameux concept du « studio résidence ») et une cuisine délicieuse … EDDY MITCHELL qui y a enregistré son dernier Album « COUNTRY ROCK » en dit le plus grand bien. Quand on sait qu’un compliment de Monsieur EDDY est plus rare qu’un homme politique honnête ou un député LFI intelligent et élégant, on ne peut qu’acquiescer…

Enfin, dernier de mes choix, un studio qui a une valeur inestimable pour moi « MIRAVAL » crée en 1977 dans un domaine de 900 hectares à Correns dans le Var, par la personne qui m’a permis de vivre un parcours professionnel inespéré, JACQUES LOUSSIER, le génial créateur et leader du  Trio « PLAY BACH » . Il fut aidé par un fidèle ingénieur du son Patrice QUEF, par ailleurs ami de votre serviteur et époux de ma meilleure amie d’enfance à qui je consacrerai un prochain billet car c’est une personne unique qui mérite d’être connue…

Ce studio qui ferma au milieu des années 2000, JACQUES ayant vendu le domaine à un homme d’affaires US qui le cédà à son tour à BRAD PITT & ANGELINA JOLIE, vient de rouvrir à l’initiative du Play Boy hollywoodien, fan de musique… Nous verrons bien ce qu’il va devenir mais il m’étonnerait que des Groupes qui ont fait sa renommée lors de sa première vie comme PINK FLOYD -STING – AC/DC – THE CURE – WHAM – CHRIS RÉA – RAMMSTEIN – MUSE reviennent hanter les murs…

C’est dans ce Domaine qu’est cultivé la vigne donnant le Rosé de MIRAVAL qui trône à la carte de centaines de Restaurants dans le Monde…

 Je pense qu’à court terme, les quelques studios qui ont réussi à survivre vont être condamnés par la conjugaison de plusieurs facteurs contre lesquels on ne peut lutter.

Il y a tout d’abord le déclin de la création, les mélodies inécoutables susurrées par des voix dignes d’une personne en réanimation qui font passer JANE BIRKIN pour une chanteuse d’Opéra… quand on sait que le RAP est la musique la plus vendue dans le Monde ( y compris en France ) on se dit qu’un enregistrement de qualité pour une telle médiocrité musicale serait comme donner de la confiture aux cochons !

Il est paradoxalement réconfortant de voir que le vrai public ne suit pas les nouvelles tendances. La Cérémonie des « VICTOIRES DE LA MUSIQUE » voit chaque année son audience diminuer, ce qui laisse à penser que d’ici peu elle passera derrière « LES MARSEILLAIS À DUBAI » …

Quant aux ventes de disques, un succès se chiffre à quelques milliers d’exemplaires là où on parlait de millions il y a peu…

Revers de la médaille : la fermeture des vrais studios va se poursuivre inexorablement et la qualité musicale atteindre des abysses jusqu’alors inconnus et inexplorés. 

Nous sommes à mille lieues des années où on débouchait une bouteille de Pétrus de l’année de naissance de l’Artiste pour fêter la fin de l’enregistrement de son dernier album…